Le défaut des airbags Takata installés sur des véhicules produits par Citroën est susceptible d’engager la responsabilité du constructeur automobile. Cependant, les règles applicables ne seront pas les mêmes en fonction du type de dommages.
C’est le régime de responsabilité du fait des produits défectueux prévu aux articles 1245 et suivants du code civil qui a vocation à s’appliquer dans un tel cas. Il permet d’engager la responsabilité du producteur en cas de dommage corporel ou matériel causé par un défaut de sécurité du produit qu’il a mis en circulation. Si un airbag se déclenche de manière intempestive dans des conditions normales d’utilisation du véhicule, il ne fait guère de doute que ce dysfonctionnement traduit l’existence d’un défaut de sécurité du véhicule. Le producteur de celui-ci, c’est-à-dire Citroën, doit donc en principe répondre du dommage causé par ce dysfonctionnement, c’est-à-dire concrètement indemniser la ou les victimes de leurs blessures et des conséquences de celles-ci, ainsi que de l’atteinte éventuelle à leurs biens autres que le véhicule. En revanche, le dommage causé au véhicule lui-même n’est pas indemnisable sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Le fait que le défaut affecte une partie composante du véhicule fournie par un tiers et que Citroën ait pu légitimement ignorer son existence ne constitue pas une excuse pour celle-ci.
En revanche, un obstacle à l’indemnisation des victimes tient à ce que la responsabilité du producteur ne peut être recherchée que dans les dix ans qui suivent la mise en circulation du produit défectueux. Cela signifie que seules sont aujourd’hui recevables (si elles n’ont pas déjà été intentées) les actions en responsabilité concernant des véhicules mis en circulation à partir de 2015. Pour les véhicules mis en circulation antérieurement, la responsabilité du fait des produits défectueux n’est pas applicable. Il est envisageable de contourner cet obstacle en invoquant un autre régime de responsabilité, à savoir la garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du code civil, mais la jurisprudence laisse planer un doute quant à la possibilité d’appliquer ce régime dans une telle hypothèse. Néanmoins, il est certain que le propriétaire peut engager la responsabilité de Citroën sur le fondement de la garantie des vices cachés pour le dommage causé au véhicule défectueux lui-même, à condition que le véhicule ait été vendu par Citroën il y a moins de 20 ans.
À condition d’admettre que la possibilité d’un déclenchement intempestif des airbags constitue un vice caché, ce qui paraît raisonnable, les propriétaires concernés peuvent demander réparation du préjudice que leur cause cette immobilisation sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le problème peut être alors d’évaluer ce préjudice, sachant qu’une forme de réparation en nature (par exemple par la mise à disposition d’un véhicule de courtoisie) est aussi envisageable.
Le fait de prendre le risque en connaissance de cause, au mépris d’avertissements explicites, d’utiliser un véhicule donc on sait qu’il présente potentiellement un défaut et qu’il peut causer un dommage est susceptible de constituer une faute. Si la victime a commis une telle faute et que celle-ci a contribué à la survenance de son dommage, la loi prévoit que son droit à réparation s’en trouve diminué. L’existence et la gravité de la faute éventuelle de la victime ne peuvent toutefois être déterminées dans l’abstrait et doivent être appréciées au cas par cas, en tenant compte notamment de la possibilité qu’avait la victime d’adopter un autre comportement, et donc de ne pas se servir du véhicule. À la supposer établie, c’est au juge de déterminer dans quelle mesure la faute de la victime vient réduire le droit à réparation de cette dernière. Il le fera en principe en fonction de la gravité de la faute, étant entendu que, même si la loi permet en théorie que la réparation de la victime puisse se trouver totalement exclue, il est très peu probable qu’un juge français aille jusqu’à cette extrémité. Enfin, il faut préciser que la faute éventuelle du propriétaire qui aurait utilisé ou laissé utiliser le véhicule au mépris des mises en garde de Citroën ne viendrait pas réduire le droit à réparation d’autres personnes blessées du fait d’un dysfonctionnement des airbags.