Territoires palestiniens occupés : derniers jours d’audiences à la Cour internationale de Justice

 |  par Rédaction Patmedias avec Onu Info
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L’avis consultatif demandé en décembre 2022 par l’Assemblée générale des Nations Unies à la Cour internationale de Justice (CIJ) a donné à lieu à des audiences qui se sont ouvertes le 19 février et se sont poursuivies jusqu’au 26 février, avec un total de 52 Etats et trois organisations internationales présentant leurs avis.

L’Iran critique « l’inaction » du Conseil de sécurité

La République islamique d’Iran a souligné le 22 février la « gravité » de la situation à Gaza, tout en pointant « l’inaction ou l’action insuffisante du Conseil de sécurité comme, si ce n'est la principale cause, l’une des principales causes de l’occupation prolongée des Territoires palestiniens. Toutes les atrocités et les crimes commis par le régime israélien durant les presque 80 dernières années sont la conséquence de cette inaction. Même aujourd’hui, le Conseil de sécurité est paralysé, en raison de l’impasse causée par un certain membre permanent ».

L’Iran a appelé à cesser la coopération sous toutes ses formes, qu’elle soit « politique, militaire, économique ou autre » avec Israël, de nature à lui permettre de « poursuivre son occupation prolongée», ainsi qu’à la « fin complète de toutes les opérations militaires d’Israël dans la bande de Gaza ».

L’Iraq et la Jordanie demandent la fin de l’occupation

L’Iraq a plaidé pour la compétence de la CIJ dans la procédure en cours, notant que la Cour a déjà rendu un avis consultatif sur les conséquences légales découlant de la construction du mur dans les Territoires occupés en 2004.

Dans cette avis, la Cour avait estimé que « la construction du mur et le régime qui lui était associé créaient sur le terrain un « fait accompli » qui aurait pu devenir permanent et, de ce fait, équivaloir à une annexion de facto », en violation du droit à l’auto-détermination des Palestiniens.

Bagdad a également appelé au « respect (…) en tout lieu et toute circonstance » de l’avis rendu par la CIJ le 26 janvier dans le cadre de la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour « génocide » à Gaza, « afin d’arrêter la machine à tuer systématique contre le peuple palestinien ».

S’exprimant pour la Jordanie, Ayman Safadi, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, a évoqué les horreurs de la guerre à Gaza, où « des enfants sont opérés sans anesthésie ». Il a déclaré qu’à « Gaza, les Palestiniens meurent à cause de la guerre d’Israël. Ils meurent aussi de faim et de manque de médicaments, car Israël empêche la livraison de nourriture et de médicaments, en violation du droit humanitaire international, et en défiant les mesures conservatoires que vous avez ordonnées. Cette agression doit cesser, et cesser immédiatement. (…) Israël se comporte, et a été autorisé à se comporter, au mépris total du droit international. Cela ne peut pas continuer ».

Affirmant que « l’occupation est illégale et inhumaine », il a exhorté la Cour à « juger que l’occupation israélienne, le source de tout le mal, doit prendre fin ».

13 Etats supplémentaires évoquent des réparations

Très ému, Ali Ahmad Ebraheem S. Al-Dafiri, Ambassadeur du Koweït aux Pays-Bas, a affirmé que « la violence sans précédent à Gaza est le résultat de 57 ans d’occupation illégale des Territoires palestiniens, et elle doit cesser ». Le Koweït a demandé, lui aussi, la fin de l’occupation et une solution négociée à deux Etats le long des frontières de 1967 avec Jérusalem pour capitale. Ce pays a ajouté que la « puissance occupante est sous l’obligation de procéder à une réparation complète du dommage causé par son occupation et ses pratiques et politiques discriminatoires ».

Le Liban a souligné le fait que la CIJ a déjà affirmé en 2004 dans son avis sur la construction du mur qu’Israël est « tenu de restituer les terres, les vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers saisis à toute personne physique ou morale ». Le Liban a ajouté qu’Israël « est tenu aussi de cesser sa violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, de mettre fin à son occupation des territoires palestiniens et de reconnaître l’État de Palestine. Et de fournir réparation ».

De même, la Libye, la Syrie, la Malaisie, l’Irlande, la Namibie, Oman, l’Indonésie, la Slovénie, la Tunisie, l’Espagne et les Maldives ont plaidé pour des réparations, par voies de restitutions ou d’indemnisations. Au total, 19 pays ont préconisé des réparations au cours des six jours d’audiences.

Le Royaume-Uni invite la CIJ à ne pas répondre à la demande d’avis consultatif

Le Royaume-Uni a repris le 23 février nombre des arguments avancés par écrit par les Etats-Unis, le Canada, Fiji, la Hongrie et la Zambie, selon lesquels il faut respecter le cadre existant au Conseil de sécurité pour permettre à une solution négociée d’avancer.

Londres est allé plus loin, en demandant à la Cour de ne pas se prononcer, en raison de la manière dont sont formulées les questions posées par l’Assemblée générale. Ces deux questions reviennent à « avoir l’entière question palestienne examinée par la plus haute cour du monde », comme l’ont affirmé les Etats-Unis.

Selon le Royaume-Uni, la Cour ne peut pas interférer dans une dispute entre deux parties, comme mentionné dans son avis consultatif de 1975 sur le Sahara occidental, sans le consentement des deux parties.

En outre, la Cour pourrait « tirer des conclusions légales sur une base factuelle incorrecte », en raison non seulement du conflit en cours, mais aussi de l’étendue de la documentation nécessaire : « une base factuelle qui s’étend sur quelque 57 années et un dossier des Nations Unies qui comporte 30.000 pages ».

Enfin, le Royaume-Uni estime que le cadre posé par le Conseil de sécurité, avec les résolutions 242 et 338, envisage le retrait d’Israël des Territoires occupés via la négociation, et non une décision de justice.

… tandis que de nombreux pays défendent la compétence de la Cour

L’Irlande condamne les attaques du 7 octobre 2023, mais estime que « les limites (du droit à l’auto-défense) ont été dépassées par Israël dans sa réponse militaire à l’attaque du Hamas ».

Rossa Fanning, Procureur général de l’Irlande, a affirmé que son pays « croit qu’une clarification maintenant, par cette Cour, sur les questions de droit international posées par l’occupation prolongée des Territoires palestiniens aidera à apporter une fondation stable sur laquelle construire une résolution juste » du conflit.

« Plusieurs pays ont suggéré que cette demande pour un avis consultatif est une tentative de résoudre une dispute bilatérale sans le consentement de l’une des parties. Nous regrettons beaucoup qu’Israël ait choisi de ne pas s’engager avec le sujet de la requête (…) Cependant, selon nous, la question des Territoires palestiniens occupés est une préoccupation directe des Nations Unies et va beaucoup plus loin qu’une simple dispute bilatérale ».

La compétence de la CIJ a été défendue par nombre d’Etats, dont la Norvège, qui a insisté sur une situation « d’annexation de facto » dans les Territoires palestiniens, le Pakistan, l’Espagne, le Japon et la Chine, qui a affirmé son soutien « à la juste cause du peuple palestinien ». La Suisse a déclaré qu’« Israël a des préoccupations légitimes en matière de sécurité, mais aussi l’obligation de respecter le droit international ».

Abdel Sattar Issa, ambassadeur du Liban aux Pays-Bas, a estimé que « demander à la Cour de ne pas intervenir, de ne pas rendre son avis consultatif au nom d’un processus de négociation bilatérale à protéger, d’une solution politique à préserver, est un argument pervers qui crée un antagonisme entre le politique et le juridique alors qu’ils sont dans toute société, y compris la société internationale, deux éléments complémentaires en relation dialectique. Le droit cadre le politique, empêche sa dérive, que ce soit au niveau public ou privé. Le droit garantit un minimum de justice dans les relations ».

De même, la Syrie a défendu la compétence de la Cour, à un moment où « les Palestiniens sont sans réelle protection ». Ammar Al Arsan, chef de la Mission permanente de la Syrie auprès de l’Union européenne (UE), a affirmé que « nous sommes là aujourd’hui pour nous assurer qu’eux – les occupants – ne s’en sortent pas avec impunité ».

« Il n’y a pas de processus de paix », selon l’Indonésie


L’Indonésie a été plus loin dans l’opposition à l’argument, avancé par les Etats-Unis, selon lequel l’avis consultatif de la Cour pourrait impacter un processus de paix négociée : « Tout d’abord, il n’y a pas de processus de paix viable à compromettre. (…) Après tout, la négociation avec quelqu’un qui braque un pistolet sur votre tête n’est pas une négociation du tout (…). En novembre dernier, le Premier ministre Netanyahu s’est même vanté d’être 'fier d’avoir empêché l’établissement d’un Etat palestinien' ».

Un argument repris par l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 Etats : « Y a-t-il des négociations en cours entre Israël et la Palestine ? La vérité sur cette question, c’est qu’il n’y en a plus. Il s’agit d’un mythe qui a été entretenu artificiellement longtemps, mais qui, à la lumière des événements, s’est effondré de l’aveu même des intéressés ».

Le Qatar plaide pour une qualification « d’apartheid » des pratiques d’Israël

La plaidoirie du Qatar, menée par Mutlaq Bin Majed Al-Qahtani, ambassadeur aux Pays-Bas, a mis en avant une « perception croissante selon laquelle le droit international s’applique à certains, mais pas à d’autres. Que certains peuples sont considérés comme méritant la sécurité, la liberté et l’auto-détermination, mais d’autres non. Que certains enfants sont jugés dignes d’être protégés par la loi, mais d’autres sont tués par milliers ».

Le Qatar a dénoncé une violence qui est devenue « une partie de la vie pour les Palestiniens même avant le début de l’occupation en 1967. Et Gaza a toujours payé le prix le plus fort. Dans les 15 ans qui ont précédé le 7 octobre 2023, les campagnes militaires israéliennes ont tué 5.365 Palestiniens à Gaza, dont la majorité était incontestablement des civils ».

L’ambassadeur a évoqué la hausse des violences en Cisjordanie et « la persécution systématique des organisations de défense des droits de l’homme et des journalistes », mentionnant la mort de Shireen Abu Akleh de la chaîne qatarie Al Jazeera, « assassinée par les forces israéliennes le 11 mai 2022 ».

Le Qatar a enjoint la CIJ à qualifier de régime d’apartheid l’occupation des Territoires palestiniens, un argument avancé par 25 participants dans les audiences, de sorte que la « communauté internationale, l’Assemblée générale incluse, puisse activer des mécanismes similaires à ceux utilisés avec le régime d’apartheid en Afrique du Sud pour mettre fin à l’occupation. C’est le chemin le plus sûr vers la vérité, la justice et oui, la réconciliation ».

Trois organisations internationales s’expriment

Le 26 février, au dernier jour d’audiences, la Ligue des Etats arabes a appelé à la fin de l’occupation et au retrait « immédiat » de tous les colons israéliens des Territoires occupés.

L’OCI a conclu sa présentation par ces mots : « La violence infondée et impunie qu’Israël exerce sur les Palestiniens entraîne en réponse une autre violence dans un cycle infernal, celui de la vengeance, qui est toujours à l’avantage du plus fort. C’est l’enchaînement meurtrier qui se déroule tragiquement sous nos yeux. Pour le rompre, il faut un tiers impartial affirmant avec autorité ce que doit être l’application de la norme commune ».

Enfin, l’Union africaine (UA) a déclaré que « l’agression d’Israël contre Gaza n’est rien d’autre qu’une tentative honteuse de créer une nouvelle Nakba ».

La Cour est entrée en délibération, avant de rendre un avis consultatif qui sera donné à une date ultérieure.

Article produit par le Centre d'information des Nations Unies pour l'Europe occidentale, basé à Bruxelles.

 


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