La Nouvelle-Calédonie n'était que la partie immergée de l'iceberg. Alors que l'archipel était en proie à des émeutes inédites en mai dernier, le ministre français de l'Intérieur et des Outre-mer révélait l'existence d'ingérences étrangères visant à déstabiliser la position de la France. Derrière cette campagne qui visait à instrumentaliser cette crise politique, ni la Russie, ni la Chine, mais l'Azerbaïdjan. La Martinique ferait-elle désormais partie des cibles de l'Azerbaïdjan ?
Il ne pouvait en être autrement. Les 17 et 18 juillet dernier des représentants de formations indépendantistes se sont réunis lors d’un congrès en Azerbaïdjan pour créer un «Front international de libération des colonies françaises». Le pays du Caucase était déjà accusé de s’immiscer dans la crise en Nouvelle-Calédonie. Patmedias avait tiré la sonnette d’alarme au grand dam de certains activistes et autres députés Lfistes, invités à faire entendre leurs douleurs refoulées.
Au-delà des messages anti-police française diffusés sur les réseaux sociaux par des profils azéris, ce sont des drapeaux de l'ancienne république soviétique qui se sont retrouvés dans les cortèges à Nouméa... un archipel situé à près de 14.000 kilomètres de l'Azerbaïdjan.
Le mot-clé circulait à bas bruit depuis le mois de juillet, sa visibilité a explosé en octobre. Tout particulièrement le 20 octobre. L'expression apparaît dans 2057 publications au cours du mois, dont plus de 60% ont été publiées sur cette seule journée. Une date qui n'est pas anodine. Elle correspond exactement à celle de la conférence organisée par une ONG, le Baku initiative group (BIG), contre le "colonialisme français". Systématiquement, le texte qui accompagne le hashtag est le même. Une similitude qui montre l'existence d'une manœuvre coordonnée visant à amplifier la portée de cette rencontre.
Un phénomène semblable à celui observé le 2 février. Le #frenchcolonialism est de nouveau utilisé 1688 fois sur cette journée après avoir disparu pendant plusieurs semaines. Or, là encore, la date correspond à une actualité cruciale pour un mouvement indépendantiste. À savoir le jour d'une conférence de presse donnée par le parti Nazione. Ce collectif indépendantiste corse fraichement créé communiquait à l'époque sur l'arrestation de deux militants indépendantistes.
Au banquet de Baku, en juillet, se sont retrouvés autour de la table des militants venus de Nouvelle-Calédonie et de Corse, mais aussi de Polynésie française, de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe. Une date qui coïncide avec les premières campagnes contre l'action de la France dans ses territoires ultra-marins. Pourtant, l'Azerbaïdjan n'a que faire de la Nouvelle-Calédonie et des mouvements indépendantistes, encore moins du reste de l’Outre-mer. Son ingérence s’explique dans l'unique but de perturber la France et de critiquer ses actions.
Le Groupe d’initiative de Bakou (GIB) continue de tisser sa toile. Les requins rodent dans le Pacifique et aussi dans la mer des Caraïbes. Très attentif aux mobilisations contre la vie chère en Martinique, le GIB tente d’instrumentaliser les troubles qui secouent l’île.
Sur la chaîne CBC-TV l'une des principales chaines de télé de ce pays du Moyen-Orient, voici ce qu’on voit et entend, l’interview contre la vie chère, de Maurice, militant du Kolektif Jistis Matinik d'Hervé Pinto, avec les commentaires suivants de la chaîne : « Les Martiniquais expriment leur mécontentement face au couvre-feu et aux prix élevés, exigeant autonomie et transparence de la part des autorités françaises. Le couvre-feu en Martinique est mis en place en raison des protestations. Tensions entre la population et les autorités françaises. Les prix des denrées alimentaires sont quatre fois plus élevés qu'en France. Les habitants réclament plus de transparence dans la prise de décision. Manifestations contre les politiques centralisées. L'Azerbaïdjan soutient les Martiniquais dans leur lutte. Réaction internationale à la situation sur l'île ».
Extrait
La Martinique sur une TV d'Azerbadjan. Ce pays « démocratique » permet aux Martiniquais, « victimes du colonialisme français » de s'exprimer... enfin !
Enfin dit ce militant martiniquais, le monde entier entend la souffrance du peuple martiniquais. Quelle ignorance ! Rappelons à Maurice que c'est un triste anniversaire ces jours-ci pour les anciens habitants du Haut-Karabakh. Il y a un an, l'Azerbaïdjan, à qui Monsieur Maurice offre sa souffrance, s'emparait de l'enclave arménienne et de sa capitale, Stepanakert, contraignant à l'exil près de 120 000 personnes. Plusieurs dirigeants politiques arméniens furent appréhendés par les forces armées azerbaïdjanaises lors de l'invasion, dont l'ancien ministre d'État de la région (l'équivalent de Premier ministre) Ruben Vardanyan. Arrêté le 27 septembre 2023 dans le corridor de Lachine, qui servait autrefois d'unique point de passage entre l'Arménie le Haut-Karabakh, il est détenu depuis un an en Azerbaïdjan, où il attend un hypothétique procès, qui ne cesse d'être reporté.
Dès le mois de mai, le ministre de l’Intérieur de l’époque a mis en garde contre les ingérences azerbaïdjanaises à Nouméa. Gérald Darmanin a ainsi regretté "qu’une partie des indépendantistes aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan". L’ombre de Moscou proche allié de Bakou, plane également sur les activités des indépendantistes, la Russie étant mentionnée à plusieurs reprises dans le dossier. Peu étonnant : « La question décoloniale est le dénominateur commun de l’argumentaire contre la France employé par les puissances étrangères », expliquait en mars un diplomate du Quai d’Orsay.
Notre rédaction a interpellé le nouveau ministre en charge de l’Outre-mer, François-Noël BUFFET. Nous attendons ses positions.