Dans un enregistrement audio, d’un peu plus de dix minutes, dont la Voix du Cailloux, quotiden calédonien, a eu connaissance, le responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), l’indépendantiste Christian Tein, s’adresse à des militants. Certaines phrases, prononcées le week-end dernier et lundi, ont de quoi inquiéter.
Le journal publie ainsi les propos de l'indépendantiste.
« Depuis qu’on a mis en place cette structure à Thio » fin 2023, « on s’est permis de promettre des choses. Je ne sais pas si le FLNKS il a fait des choses comme ça, mais en tout cas nous on l’a fait », explique Christian Tein, précisant fièrement que la CCAT offre « du rêve aux gens ».
« On essaiera de faire le travail, pas à pas : ce qu’on peut amener, on l’amènera pour le pays, on l’amènera pour chacune de nos populations », ajoute-t-il.
Toujours selon La voix du cailloux , Christian Tein s’en prendrait ensuite au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, qu’il juge responsable de « la situation dans laquelle on en est rendus aujourd’hui » : « nous, on ne veut pas » de cette violence, « c’est lui qui nous a poussé » vers « la phase 3 » du plan de la CCAT.
« Tout le bordel, tout le bazar qu’il y a, j’ai dit à Macron, face à face comme ça, j’ai dit : ”c’est ton mec à toi qui a le sang sur la main, des deux gendarmes et des quatre morts », et depuis vendredi un de plus. « Peut-être que ça ne plaît pas aux gens du FLNKS comment je l’ai dit, moi je m’en tape, je ne suis pas venu pour faire plaisir au FLNKS, je suis venu pour dire à Darmanin et à Macron ce que je pense de la façon » dont ils gèrent « les choses ».
Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et Gérald Darmanin ? « Moi, j’ai dit : ”ces gens-là, je ne veux pas les voir à la table là avec lui” (…) On a pu faire en sorte qu’ils ne soient pas à la table » des discussions jeudi au Haut-commissariat, se félicite-t-il.
Dix leaders de la cellule de coordination des actions sur le terrain (CCAT) ont été assignés à résidence en Nouvelle-Calédonie, a annoncé jeudi 16 mai le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qualifiant l’organisation de « mafieuse ». Ce collectif regroupe des syndicats et partis indépendantistes.
La Cellule de coordination des actions sur le terrain (CCAT) a été créée en novembre 2023. Elle regroupe des syndicats et des partis indépendantistes, notamment l’Union syndicale des travailleurs kanaks et exploités (USTKE) et l’Union calédonienne (UC).
Ce parti politique, fondé en 1953, ce qui en fait le plus ancien du territoire, est la principale composante du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), lui-même créé en 1984. Dirigée par Christian Tein, le commissaire général de l’UC, la CCAT s’est constituée pour lutter contre le projet de dégel du corps électoral, la réforme dont l’examen et l’adoption à l’Assemblée nationale ont déclenché les émeutes en Nouvelle-Calédonie.
Dans un communiqué publié mercredi 15 mai sur la page Facebook de la CCAT, ses leaders ont affirmé que « les exactions commises (…) n’étaient pas nécessaires », mais étaient « l’expression des invisibles de la société qui subissent les inégalités de plein fouet et sont marginalisés au quotidien ».
La CCAT réaffirme aussi que « son combat contre le dégel du corps électoral reste d’actualité car c’est la seule condition d’une paix durable et du vivre-ensemble en Kanaky », tout en prônant une mobilisation « pacifique » et en appelant « tous les citoyens mobilisés sur le terrain à l’apaisement et au respect des consignes ».
L’organisation précise par ailleurs que « le seul objectif du mouvement indépendantiste est l’accession à la pleine souveraineté de Kanaky ».
Comme le révèle La voix du Caillou, en petit comité Christian Tein tient un autre discours. « Pas là pour adorer le président » déclare t-il à ses colistiers. « ”Tu peux coucher 10 000 Kanak là demain”, j’ai dit à Macron. J’ai dit : ”je sais que tu as la plus grosse armée du monde, si tu veux faire comme Israël il n’y a pas de souci, peut-être que tu vas rentrer dans l’Histoire d’être le premier président à avoir dégommé autant de Kanak. Il s’est énervé contre moi. J’ai dit : ”mais moi, je préfère te le dire cash comme ça, comme ça au moins on saura où on en est, comme ça je te préviens d’avance, ne joues pas à ce jeu-là. Lâches notre pays, c’est tout ce qu’il y a à faire. »
« Il n’est pas question de chantage (…) Si on doit sortir à un moment de la discussion, on sort (…) et si les gens du FLNKS et de la CCAT » ils sortent, les autres partis politiques calédoniens et l’État « ils se démerdent, ils assumeront, je tiens à vous le dire tout de suite ».
Pour la Voix du Caillou, Christian Tein recentre le débat. « Nous, il y a l’accord de Nouméa qui est là, qui a été posé. C’est lui », Emmanuel Macron, « qui a décidé de dérailler le train du processus, là. L’accord de Nouméa, c’est les transferts aujourd’hui qu’on doit regarder, les transferts des dernières compétences régaliennes. Comment on fait pour transférer ça ? (…) Il faut travailler sur cette partie. Les compétences régaliennes, on dit on fait quoi, c’est quoi la date des transferts, le calendrier, et pour arriver là au bout, l’accord de Kanaky ? »
Dans le fief kanak où Christian Tein réside, les barrages sont toujours bien présents. A Saint-Louis, bastion des indépendantistes et lieu où le gendarme Nicolas Molinari a été tué le 15 mai dernier, un militant présent lors du drame le déplore. Malgré tout, il ne compte aucunement abandonner la mobilisation.