Les représentants des associations des maires, présidents des exécutifs locaux et parlementaires ultramarins ont été reçus à déjeuner par Emmanuel Macron, vendredi 20 octobre dernier. Mais certains élus n'ont pas été conviés à la table du chef....leurs dossiers non plus.
Qui n'a pas rêvé de manger à l'Élysée ? Mais il ne fallait pas s’y tromper, il s’agissait d’un rendez-vous de travail. La rencontre fait suite au Comité interministériel des Outre-mer (CIOM), organisé en juillet dernier par la Première ministre, Elisabeth Borne.
Et un peu plus d'un an après avoir déjà été reçu, les élus des Outre-mer, dont les signataires de l'appel de Fort-de-France (appel solennel à l'État pour qu'il change ses politiques d'aide au développement de leurs territoires frappés par la pauvreté) étaient bel et bien déterminés à faire inscrire dans le marbre leurs préoccupations. La vie chère, la continuité territoriale ou l'accès à l'eau bien sûr.
En arrière-plan, certains n’ont pas caché leur aspiration à une plus grande autonomie des territoires. C'était le sens de l'appel de Fort-de-France, lancé en mai 2022 par les présidents des exécutifs de Guadeloupe, de La Réunion, de Mayotte, de Martinique, de Saint-Martin et de Guyane. Espérant profiter de la réforme constitutionnelle, indispensable à la modification du statut de la Nouvelle-Calédonie et promise par l'exécutif, pour avancer leurs pions.
Les élus étaient donc bardés d’espoir surtout que le 4 octobre dernier, le président Macron s'était dit ouvert à une « forme d'autonomie » pour la Corse et avait estimé que «l’ensemble de nos Outre-mer doivent pouvoir être mieux reconnus dans notre Constitution ».
Mais le chef de l’Etat n’avait pas pour autant préciser son propos.
La mise au point est donc venue lors de ce déjeuner. A la table du Président, qui a vu passer plus d’un siècle de menus, les élus de Nouvelle-Calédonie ont brillé par leur nombre, aux côté des responsables exécutifs des collectivités ultramarines. Emmanuel Macron, maître des horloges, qui déteste subir toute pression, a lancé ainsi un message à ses hôtes. « La réforme de la Constitution prévue au début de l'année prochaine ne concernera que la Nouvelle-Calédonie et aucun autre territoire d'Outre-mer ne verra son statut évoluer lors de cette révision constitutionnelle ».
On imagine la déception des élus (Serge Letchimy en tête) de Martinique, Guadeloupe et Guyane. Vigilance orange décrétée, avant le passage de l’Ouragan Tammy catégorie 1 sur leurs territoires. « Le début de la réunion m’a coupé l’appétit » a déclaré le président du conseil exécutif de la Collectivité de Martinique, Serge Letchimy, qui a regretté « des propositions pas très concrètes ».
Mais « il est bon » le maître des lieux, surtout quand il reçoit voyons. Il a donc assuré le service après-vente en décidant qu’une mission « composée d'experts qualifiés, ayant de l'expérience et un poids politique important afin de s'adresser d'égal à égal aux grands électeurs » sera nommée le mois prochain afin de rassembler les propositions des élus locaux.
Emmanuel Macron ne s’est pas seulement contenté d’envoyer, pour l’instant, en touche les aspirations de élus des Antilles Guyane, il a aussi bien spécifié qu’il enverrait des experts qualifiés, ayant de l’expérience et un poids politique important. Les conditions sont posées. Le rapport de force est envisageable car « un consensus local » devra avoir émergé et une consultation – probablement un référendum – devra être organisé. Ce n’est pas gagné auprès des populations respectives.
Malgré tout, Serge Letchimy, Président de l’exécutif territoriale de Martinique, n'a pas voulu rentrer bredouille et perdre la face. «Nous allons faire un dernier Congrès fin novembre pour remonter nos résolutions. En février, nous devrions boucler les discussions et les négociations avec l'État de telle sorte à ce que nous mettions un terme à notre proposition de développement économique et d'évolution statutaire. »
Mais rien n’est joué, réformer la Constitution n’est pas chose facile pour une évolution statutaire. Le consensus politique au Parlement est obligatoire (convaincre les trois cinquièmes des parlementaires pour modifier le texte fondamental français ). Et là aussi, ce n’est pas gagné. Difficile et compliqué lorsqu’il n’y a pas actuellement de consensus politique au parlement.
Après le dessert, les élus ont pu faire du lobbying classique, transmettant ici et là leurs dossiers aux collaborateurs du chef de l’état ainsi qu’à la première ministre Elisabeth Borne. Surtout que le gouvernement n'a pas répondu aux craintes des élus ultramarins sur l'avenir de la défiscalisation, tel qu'il se joue en ce moment dans la loi de finances. Plus généralement, en dehors d'une légère hausse de l'enveloppe dédiée au financement du logement social, le gouvernement et le président de la République n'ont pas fait d'annonces budgétaires pour les collectivités d'Outre-mer.