Positions nettes dans le camp patriotique. Affichées et revendiquées depuis des lustres. Le drapeau rouge vert noir est une arme de combat à fragmentation: culturelle et identitaire certes mais aussi politique dans la perspective de l'indépendance. En revanche, dans la mouvance autonomiste et apparentée, tout observateur un tant soit peu averti pourrait bien déceler une zone de flou idéologique dans l'argumentation officielle. De quoi brouiller les pistes quand Ti Sonson tente de comprendre de quoi il retourne exactement. Il entend nombre de partisans de cet étendard le glorifier sans réserve sur le plan identitaire mais, simultanément, en minimiser la portée au plan politique. Deux visions parfaitement compatibles ou double discours sur fond d'ambiguité?
Depuis de longs mois affleure dans les discours des plus hautes autorités du pays, un message sous-jacent du style « la Martinique doit s'émanciper graduellement de l'emprise institutionnelle de l'état central. Renforcer la continuité territoriale mais dans le même temps conquérir pas à pas son autonomie de décision et affirmer un mode endogène de gouvernance ». En allant jusqu'où dans l'évolution statutaire? Dans la plupart des cas, on se garde bien de l'énoncer en toute clarté. Comme si cultiver un flou persistant depuis des décennies avait quelque vertu. Ces derniers mois, la controverse à propos du drapeau Martinique et de l'hymne qui l'accompagne n'a, de fait, rien éclairci. Il revient donc aujourd'hui à Serge Letchimy de parler limpide et de faire preuve de cohérence idéologique en toutes circonstances. On ne brandit jamais impunément un emblème identitaire.
Dans l'espace public, il convient de les prendre au pied de la lettre, d'autant que la Martinique ne peut se permettre le luxe de simulacres à répétition. Le Président de la Collectivité Unique a revendiqué haut et fort ce drapeau. De même qu'il s'enorgueillit de l'hymne adopté de concert. Il ne contestera pas la nécessité d'une impérieuse conformité entre les discours et les décisions que prend tout responsable de premier plan. En conséquence, le n°1 de la Collectivité devrait constamment réaffirmer le choix institutionnel qui découle théoriquement de l'adoption du super fanion. En toute logique, ce qui tendrait à s'imposer devrait être la revendication intransigeante de l'accession à l'indépendance. Ne s'agit-il pas d'un acte fondamental indiquant le désir, voire le besoin, de la différenciation? De la spécificité illimitée. En tout cas, il est difficile d'y voir un mouvement allant vers plus d'appartenance. Et il est fort douteux de pressentir une demande d'assimilation renforcée à l'entité France. Il faut donc prolonger le geste et en tirer toutes les conséquences: choisir irrévocablement le « entièrement à part » et non pas le « à part entière ». Opter pour la souveraineté à terme. En termes simples mais explicites: ne plus être Français. Voilà ce qu'il faudrait assumer. Les propagandistes du drapeau RVN ont réussi à l'imposer officiellement dans les instances représentatives du pays Martinique. Quelle signification politique lui attribuent ils désormais? Vont-ils tirer la conclusion que ce drapeau symbolise la volonté du peuple martiniquais de s'orienter vers une prise de distance, voire une séparation institutionnelle irréversible avec la France. Ou vont-ils en limiter la portée au seul plan culturel et sportif? Si tel était le cas, ce ne serait que folklore et inconséquence politique.