Les États prévoyant un cadre légal pour la culture et la consommation du cannabis sont peu nombreux. La Thaïlande fait marche arrière sur la dépénalisation du cannabis. Un an après la dépénalisation mal ficelée de la marijuana, boutiques et champs ont fleuri dans tout le royaume. Mais le nouveau gouvernement veut revenir à un simple usage thérapeutique.
La fête est finie pour les cadors du roulage de joints. En décembre 2022, ils avaient eu droit à leur premier championnat du rouleur le plus rapide, à Bangkok. Six mois plus tôt, la Thaïlande était devenue le premier pays d’Asie du Sud-Est à dépénaliser le cannabis. Mais la fumette ne fait pas rêver le Premier ministre Srettha Thavisin. Membre du populiste parti Pheu Thai, il a été porté au pouvoir en août grâce à l’alliance bigarrée de onze formations pro-démocratie et pro-armée.
Jugeant la dépénalisation trop mal réglementée , Srettha Thavsin promet déjà de « réécrire la loi » dans les six mois. Seul sera autorisé l’usage thérapeutique du cannabis. Le royaume conservateur, à majorité bouddhiste, l’avait légalisé dès 2018.
Une législation très floue
Des mesures plus strictes seront adoptées contre les ventes dans les temples, les écoles (sic !) et les parcs d’attractions, promet son allié de coalition Saritpong Kiewkong, du parti conservateur Bhumjaithai. Les permis pour cultiver et vendre la marijuana seront aussi restreints. De quoi faire tousser dans les 6 000 échoppes qui ont fleuri tous azimuts dans le pays depuis un an. Même déconvenue pour les agriculteurs, qui avaient eu le feu vert pour cultiver des plants. Des autorisations accordées sur la base d’une législation alambiquée. Si le cannabis a bien été retiré de la liste des stupéfiants, en juin 2022, sa consommation récréative et sa vente dans l’espace public demeurent prohibées.
Pas de fumette à Phuket
Une nuance qui semble avoir échappé à de nombreux visiteurs. En janvier, le ministère de la Santé a dû publier un guide sur les dix choses que les touristes doivent savoir sur le cannabis en Thaïlande . Trois mois plus tard, l’ambassade de France à Bangkok s’est à son tour fendue d’un appel à la prudence , rappelant aux résidents et touristes de passage qu’un fumeur surpris dans la rue encourt une amende de 25 000 baths (650 €) et jusqu’à trois mois de prison.
Les étrangers qui rêvent de venir à Phuket pour se défoncer devraient y réfléchir à deux fois , a prévenu en mars le ministre de la Santé, Anutin Charnvirakul. Car le laxisme de son pays fait fulminer ses voisins, en Asie. Des touristes thaïlandais, contrôlés positifs à leur entrée en Malaisie, ont été arrêtés en juillet 2022. La Chine dit aussi tester les voyageurs en provenance de Thaïlande. Idem à Singapour, où deux trafiquants de marijuana ont été exécutés cette année.
En Europe
Aux Pays-Bas, la possession, la consommation et la vente au détail jusqu’à cinq grammes de cannabis, sont tolérées depuis 1976 dans les coffee-shops. Sa culture et sa vente en gros, principalement contrôlées par des gangs criminels, sont interdites.
Le Luxembourg a annoncé en octobre 2021 son intention d’autoriser la culture de marijuana à domicile et sa consommation dans la sphère privée, ce qui serait une première en Europe. Le texte qui sera examiné par le Parlement au début de l’année prochaine, prévoit que chaque ménage aura droit de cultiver chez lui quatre plants de cannabis.
En Espagne, la production pour la consommation personnelle est autorisée alors que commerce et consommation publique sont interdits.
Le Portugal a décriminalisé en 2001 la consommation et la détention de toutes les drogues, qui restent toutefois interdites.
L’interdiction n’empêche pas l’usage
En matière de répression et de consommation, la France fait face à un paradoxe. Alors que le pays possède l’une des législations les plus strictes en matière de stupéfiant (datant de 1970), la consommation de cannabis y est l’une des plus élevée en Europe.
Interrogé par le site Le club des juristes, Renaud Colson, maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles à l’Université de Nantes confirme que "la prohibition a peu d’effet sur les niveaux d’usage. Mais elle s’accompagne de nombreux effets pervers au nombre desquels la création d’un vaste marché criminel, la circulation de produits frelatés, et la marginalisation des consommateurs. Ce constat explique que de plus en plus d’Etats réglementent la production, la distribution et l’usage de cannabis à des fins récréatives."
Selon lui, en France, entre l’expérimentation du cannabis thérapeutique et l’autorisation d’un cannabis "light" (CBD), "la légalisation est déjà en marche. (Et si) l’état du débat français (…) semble aujourd’hui exclure toute levée de l’interdit, le sens de l’histoire ne fait guère de doute". Si cela était le cas, il conviendrait de réfléchir à une solution alliant logique de marché et impératifs de santé publique.