On se tait, on encaisse, on joue l’aquaboniste. Et soudain, face à un propos mensonger, un bidonnage que personne ne relève, une arnaque passée sous les radars, il est de notre devoir de réagir. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, dit l’adage. Autrement dit, à un certain niveau d’obscénité la situation devient insupportable.
France Télévisions ressemble un peu, beaucoup même, à ces grands bazars où l’on trouve de tout et surtout du n’importe quoi. Quelques émissions, comme Complément d’enquête ou Cash investigation, tentent bien de sauver l’honneur du groupe audiovisuel public, mais le niveau général n’est guère meilleur que celui des chaines privées. Sans se vautrer franchement dans la boue du racisme et de l’extrême-droite comme d’autres, FTV joue aussi avec ces limites, de façon hypocrite, avec notamment les émissions de l’animatrice Léa Salamé.
Son dernier numéro, du samedi 11 mars faisait ainsi la part belle à l’une des égéries de la chaine d’extrême-droite de désinformation de l’empire Bolloré. Ce qui a fait réagir de nombreuses personnes, comme le député Aymeric Caron, ancien partenaire d’émissions de Léa Salamé.
À défaut d’une réelle neutralité politique (on pourrait l’attendre, mais ça ne serait qu’un vœu pieux), les téléspectateurs pourraient au moins espérer que les journalistes du groupe ne prennent pas en otage l’information pour des intérêts privés rémunérateurs. Perdu ! L’affaire Pincemail en Guadeloupe démontre qu’au contraire, les corrompus ont de beaux jours devant eux chez France TV.
Gilbert Pincemail est ce journaliste politique vedette de Guadeloupe la 1ère, présentateur des journaux matinaux et d’une revue de presse hebdomadaire, impliqué dans l’affaire Ary Chalus, le président du conseil régional renvoyé en correctionnel le 30 mars prochain pour dépassement des frais de campagne et détournement de fonds. Blast a dévoilé toute l’histoire le 2 mars.
On aurait pu attendre une réaction de Delphine Ernotte, la présidente de France TV. Eh bien, non. Rien. Pas un mot. Tout est fait comme si le groupe audiovisuel public voulait enterrer cette histoire de journaliste acheté en pleine campagne électorale (celle des régionales de 2015) par un candidat. Et qu’il n’y avait aucune raison de le sanctionner.
Comment s’explique un tel comportement de la part du groupe public, qui devrait être impitoyable avec l’éthique professionnelle de ses journalistes ? Le silence de France TV est d’autant plus assourdissant, que BFM n’a pas eu la même « pudeur » vis-à-vis de Rachid M’Barki, l’un de ses présentateurs vedettes. Ce que la chaine d’info du groupe public s’est d’ailleurs fait un plaisir de relayer.
Depuis que l’affaire Chalus – Pincemail a éclaté, le journaliste de Guadeloupe la 1ère a tout d’abord continué à assurer la présentation des journaux matinaux jusqu’au vendredi 3 mars. Mais il n’était pas à l’antenne le samedi 4 pour son émission hebdomadaire. Le lundi suivant, alors que le tableau de service prévoyait qu’il assure la présentation des journaux, le journaliste était absent. Depuis, c’est une autre journaliste qui assure la matinale.
Un retrait de l’antenne qui serait une sanction officieuse ? Pas du tout. Comme l’a dit Gilbert Pincemail à ses collègues à son retour dans la rédaction, il a pris quelques jours de congés « le temps que l’affaire se tasse sur les conseils de Sylvie Gengoul (la directrice du pole outre-mer de France TV). » Contacté par Blast, pour savoir si elle lui avait effectivement donné ce « conseil », elle ne nous a pas répondu. On peut imaginer que si cela n’avait pas été le cas, elle nous aurait démenti ces propos de son journaliste.
Un corrompu notoire, au passé chargé, est donc protégé par sa hiérarchie chez France TV. Bel exemple de moralité et d’éthique professionnelle qui envoie à tous les journalistes du groupe un étrange signal : trompez, mentez, faites-vous payer par des intérêts privés, vous ne serez pas sanctionnés !
Au royaume des aveugles de l’audiovisuel public, les corrompus font la loi.