Accusée de détournement de fonds publics, la présidente du tribunal de Fort-de-France, fait l'objet de perquisitions.
Selon Mediapart, la Présidente du tribunal de Fort-de-France et du conseil départemental d’accès au droit de Martinique, Karine Gonnet est soupçonnée d’avoir fait supporter des dépenses somptuaires à cet organisme public. Son avocat dénonce une « cabale ». Le juge Tournaire est saisi de l’affaire.
Nos confrères révèlent que le 9 juillet, le juge d’instruction parisien Serge Tournaire, accompagné d’une collègue et de policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), a déboulé au tribunal judiciaire de Fort-de-France (Martinique). Six heures de perquisition à ses domiciles de Martinique et de l'Hexagone, interrogation en audition libre au siège de l’OCLCIFF, le 12 juillet. Selon des sources proches du dossier, Karine Gonnet est soupçonnée d’avoir utilisé des fonds du conseil départemental d’accès au droit (CDAD) de Martinique, qu’elle préside, soit pour des dépenses sans rapport avec l’institution, soit pour des dépenses personnelles. Décrite comme une magistrate dynamique et soucieuse de valoriser l’institution, Karine Gonnet aurait notamment fait supporter par le CDAD des frais d’un montant global supérieur à 100 000 euros pour faire réaliser une fresque photographique par un artiste martiniquais. Intitulée « Marianne, c’est toi, c’est moi, c’est nous », cette fresque a d’abord été accrochée en grand format dans le tribunal, puis a été déclinée en différents formats et supports, pour décorer des locaux de différents services publics ou être offerts à des personnalités. L'enquête de nos confrères fait apparaître par ailleurs, l'acquisition d'un véhicule 4 × 4 Jeep d’une valeur de 40 000 euros au profit de l’organisme d’intérêt public. Un véhicule qu’elle utilisait alors que le tribunal met à sa disposition une voiture de service, selon des sources proches du dossier.
Karine Gonnet est par ailleurs soupçonnée d’avoir acheté du matériel informatique de marque Apple, qui n’est pas compatible avec le système utilisé par les services du ministère de la justice. Elle aurait également fait livrer à son domicile d’Île-de-France un fauteuil ergonomique et une fontaine à eau. Des frais d’avion, d’hôtel et de restaurant sont également examinés à la loupe par les enquêteurs.
Le conseil départemental d’accès au droit de Martinique a bénéficié d’importantes subventions européennes en 2023, ce qui semble avoir joué un rôle dans l’enchaînement des dépenses, notamment de communication et d’événements. Par ailleurs, selon des sources concordantes, la présidente et la secrétaire générale du CDAD étaient en conflit ouvert, la première ayant déclenché une procédure de licenciement contre la seconde.
Ces révélations sonnent comme une bombe en Martinique, dans un contexte de crise sociale et économique de lutte contre la vie chère. Soulignons que la magistrate n’est pas mise en examen et bénéficie de la présomption d’innocence. Mais ces soupçons accentuent et confortent les critiques des habitants de Martinique et des Outre-mer en général, envers les différentes formes de pouvoir, d'autorité et de normes sociales établies par le pouvoir central parisien. Elles rappellent que les Antillais, sous leurs airs pacifistes, se méfient depuis des lustres, des discours officiels, des vérités établies et croient fortement en des possibles dissimulations de la réalité.
Maîtres Georges-Emmanuel Germany et François Saint-Pierre, respectivement les avocats de Micheline Virgal et de Karine Gonnet défendent la loyauté de leurs clients. C'est de bonne guerre.
Interrogé par Mediapart, Maître François Saint-Pierre parle « d’une scandaleuse cabale, d’une dénonciation lourdement calomnieuse de la part de l’ancienne secrétaire générale du CDAD ».
« Toujours est-il » poursuit-il « le mal est fait, Mme Gonnet sera très prochainement nommée dans une autre cour d’appel et quittera la Martinique » . Ca aussi c'est de bonne guerre.
Une responsabilisation pénale des personnes physiques à travers la personne morale de droit public permettrait une approche juridique différente dans l'instruction de ce type de dossier et pourrait déboucher sur des sanctions lourdes. Ainsi, l’État employeur pourrait être poursuivi pour les fautes commises du fait de l’agissement de ses serviteurs, recevant la qualification de complicité dans les cas les plus graves. Mais rappelons que Karine Gonnet est présumée innocente des faits qui lui sont reprochés et qu'elle « conteste » d'ailleurs, selon son avocat « catégoriquement ».