La condamnation de Nicolas Sarkozy à une peine de trois ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis et un an ferme à exécuter sous bracelet électronique est l’occasion de revenir sur cette peine à la fois utile dans sa nature et complexe dans son régime.
Il s’agit d’une peine dite « en milieu ouvert » qui existe depuis longtemps dans le code pénal même si son régime a été réformé par la loi du 23 mars 2019.
Elle consiste en l’obligation de rester à son domicile ou tout autre lieu désigné par le juge et de se soumettre à un dispositif de surveillance permettant de vérifier les déplacements de la personne. Celui-ci est composé d’un émetteur porté à la cheville ou au poignet et d’un récepteur installé au lieu d’assignation. Le condamné ne peut s’absenter que pendant les périodes déterminées par le juge pour les motifs retenus par celui-ci. Ces motifs sont envisagés strictement dans le code pénal : exercice d’une activité professionnelle, traitement médical, recherche d’un emploi, participation à la vie de famille… Les sorties de convenance (voyages, spectacles, manifestations sportives…) sont en principe exclues, mais cette question est laissée à l’appréciation du juge et est traité en fonction de la situation personnelle du condamné. Par exemple, Nicolas Sarkozy pourrait être autorisé, pour des raisons professionnelles, à participer à des manifestations publiques ou à assister à des matchs du PSG.
Elle peut aussi s’accompagner de différentes mesures de contrôle et d’obligations prévues aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal (par exemple, répondre aux convocations du juge de l’application des peines, ne pas se livrer à l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, accomplir un travail d’intérêt général, ne pas entrer en contact avec certaines personnes, notamment la victime…).
La tendance des dernières années est au développement de ce type de mesure non seulement pour réduire la surpopulation carcérale, mais aussi pour éviter l’effet désocialisant de la prison pour les condamnés à de courtes peines d’emprisonnement, et ce malgré l’opposition d’une partie de la classe politique dont faisait notamment partie Nicolas Sarkozy.
Il s’agit d’une mesure complexe dans son régime car on la retrouve à plusieurs phases de la procédure pénale (au stade du prononcé de la peine et au stade de son exécution) et sous différentes formes (peine ou aménagement de peine). Elle a d’ailleurs aussi un équivalent au cours de la phase pré-sentencielle : l’assignation à résidence sous surveillance électronique.
Au stade du prononcé de la peine, elle peut être décidée par la juridiction de jugement en matière correctionnelle dans le cadre de la condamnation et peut prendre deux formes.
Il peut d’abord s’agir d’une peine « alternative » prononcée à la place de l’emprisonnement et réglementée à l’article 131-4-1 du code pénal. Sa durée est comprise entre quinze jours et six mois ou maximum la durée de la peine encourue. C’est une peine qui demeure assez peu prononcée notamment car elle doit être mise à exécution rapidement (dans les trente jours qui suivent le prononcé de la peine ou dans les cinq jours si la décision est assortie de l’exécution provisoire).
Il peut ensuite s’agir d’un aménagement de la peine d’emprisonnement, ou autrement dit d’une modalité de son exécution, que le juge est parfois obligé de prononcer. Pour les peines inférieures ou égale à six mois d’emprisonnement ferme ou dont la partie ferme correspond à cette durée, cet aménagement ab initio est le principe : le juge doit prononcer une détention à domicile, une semi-liberté ou un placement à l’extérieur « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » (article 132-25 al. 1 CP). Pour les peines comprises entre six mois et un an d’emprisonnement ferme, comme c’est le cas s’agissant de Nicolas Sarkozy, le juge doit prononcer un tel aménagement « si la personnalité et la situation du condamné le permettent » (article 132-25 al. 2 CP). Le condamné sera convoqué devant le juge de l’application des peines dans un délai de vingt jours pour qu’il fixe les modalités d’exécution de l’aménagement, il sera inscrit au registre d’écrou d’un établissement pénitentiaire et le bracelet électronique devra être posé dans un délai de quatre mois maximum (article 723-7-1 CPP).
Au stade de l’exécution de la peine, le bracelet électronique peut également être mis en place par le juge de l’application des peines, notamment à titre d’aménagement de la peine prononcée par la juridiction de jugement (notamment article 723-7 al. 1 CPP), à titre de conversion de peine (article 747-1 CPP), ou pour préparer une libération conditionnelle (article 723-7 al. 2 CPP) ou une libération sous contrainte (article 720 CPP).
Dans tous les cas, la détention à domicile s’effectue sous le contrôle du juge de l’application des peines qui peut être amené à modifier les conditions d’exécution de la détention à domicile.
Surtout, en cas d’inobservation des mesures de contrôle et obligations imposées, de nouvelle condamnation, d’inconduite notoire ou de refus d’une modification nécessaire d’une des conditions d’exécution, le condamné pourra être incarcéré pour la durée de la peine restant à accomplir (articles 713-44 et 723-13 CPP). Cette décision n’est pas automatique et relève de l’appréciation du juge. C’est dans ce cadre, par exemple, que le placement sous bracelet électronique de Patrick Balkani a été révoqué, celui-ci n’ayant notamment pas respecté ses autorisations de déplacement.
A contrario, si l’exécution de la détention à domicile se déroule dans de bonnes conditions, le juge de l’application des peines peut être amené à prendre une décision favorable pour le condamné. D’une part, lorsque la détention à domicile a été prononcée à titre de peine, le juge peut y mettre fin de façon anticipée si trois conditions sont réunies : le condamné a satisfait à ses obligations pendant au moins la moitié de sa peine, son reclassement paraît acquis et aucun suivi ne semble nécessaire (article 713-43 CPP). D’autre part, lorsque la détention à domicile est prononcée à titre d’aménagement, le condamné peut bénéficier des réductions de peine de droit commun prévues à l’article 721 du code de procédure pénale à condition qu’il ait donné des preuves suffisantes de bonne conduite et manifesté des efforts sérieux de réinsertion (jusqu’à six mois de réduction par année et, pour les peines inférieures à un an, jusqu’à quatorze jours par mois).