Le décret n°2024-527 du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale les 30 juin et 7 juillet prochains, posent des problèmes juridiques, notamment de respect des délais. Mais sont-ils de nature à provoquer l’annulation ou le report des élections législatives ?
Toute question de délai n’est pas complètement à exclure, et on peut estimer que le Gouvernement était bien conscient du danger en déclarant l’urgence et donc l’entrée en vigueur immédiate du décret n°2024-527 du 9 juin 2024 portant convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée Nationale. L’article 12 de la Constitution prévoit que « Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution ». Jusqu’alors, le délai le plus resserré entre la dissolution et le premier tour des élections était en 1988 et il y avait entre la publication du décret de dissolution et le premier tour de l’élection 20 jours francs, pleins. Ici ce ne serait pas le cas. Beaucoup de questions peuvent alors se poser. Quelle est la date de dissolution à retenir : celle de la signature du décret (le 9 juin) ou celle de sa publication (le 10 juin) ? Comment computer les délais : s’agit-il de 20 jours francs ou non francs ? Quid des opérations électorales prévues le samedi 29 juin à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, en Polynésie française et dans les bureaux de vote ouverts par les ambassades et postes consulaires situés sur le continent américain ? En fonction de la réponse à ces questions, le Conseil constitutionnel pourrait juger le délai de 20 jours au moins respecté ou non respecté. D’un certain point de vue, il faut espérer que l’exécutif ait sondé en amont le Conseil constitutionnel sur ce point, pour ne pas jouer excessivement aux aventuriers.
Le Conseil constitutionnel a en effet été saisi de trois recours contre le décret de convocation (n°2024-32 ELEC, 2024-33 ELEC et 2024-34 ELEC). Outre la question de la date évoquée ci-dessus, des requérants pourraient faire valoir que les modalités prévues par le décret de convocation ne garantissent pas le principe de liberté et sincérité du scrutin. C’est le cas notamment du recours déposé par La France Insoumise qui se prévaut du gel des listes électorales à partir du décret. Si ces recours étaient reçus, le Conseil constitutionnel pourrait annuler le décret de convocation des électeurs, mais pas celui de dissolution, de sorte que les élections législatives ne pourraient être que repoussées et non annulées en application même de la Constitution. Cependant, en opportunité, un report serait très problématique en raison de la date du 2nd tour – le 14 juillet – et des Jeux Olympiques, et le Conseil constitutionnel pourrait en tenir compte, entre autres paramètres. En effet, en vertu de l’article 12, « L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours », ce qui nous conduirait au 18 juillet. Un report d’une semaine conduirait à la réunion de l’Assemblée nationale le 25 juillet, soit la veille de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris.