Il y a quelques années déjà, la Martinique connaissait d’intempestives pannes d’électricité. EDF, à grand renfort de communication, avait alors annoncé à la population -en 2013- s’être équipée, afin de mettre un terme aux coupures de courant ; « un nouveau groupe étant désormais installé à la centrale EDF de Bellefontaine ». Pourtant, en 2024, le cauchemar des abonnés continue, voire s’amplifie ! De toutes les centrales électriques de France, la nôtre est tête d’affiche au hit-parade des pannes à répétition…
Pas un mois ne s’écoule sans que des communes de ce pays soient privées d’électricité durant un à deux jours, voire plus.
La Martinique a soif car les coupures d’eau, par vagues, sont incessantes ! De cela tout le monde est au courant.
La Martinique est aussi en panne d’électricité ! Le compteur des abonnés est à l’arrêt mais dans le même temps les comptes en banque d’EDF continuent de gonfler.
Heureusement, nous avons un hymne, un drapeau et le créole pour crier notre désespoir.
Nous n’avons pas d’autonomie et encore moins d’indépendance, pour notre alimentation en eau potable, bien que nous disposions de nombre de nappes phréatiques et de 361 rivières qui sillonnent notre territoire ; cela devrait pourtant couler de source.
Néanmoins, comme un cautère sur une jambe de bois, nous pouvons nous glorifier, avec la majorité à la CTM, que « les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises sont les Martiniquais ».
Pourtant cette situation, de carence sur des besoins fondamentaux, les droits élémentaires que sont l’eau et l’électricité, réclame la mobilisation de chaque citoyen. Alors que ces droits sont bafoués on ne voit que peu de doigts se lever et encore moins de voix s’élever pour exiger des services publics de qualité. Il faut oser se mettre debout pour fermer les vannes de l’inertie et exiger des réponses limpides et efficaces, des élus et des administrations, pour le quotidien des citoyens. La mission première des responsables politiques n’est-elle pas de gérer la vie de la Cité ?
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De quoi péter un câble
Depuis 1984, la centrale électrique de Bellefontaine fournissait de l’électricité à la Martinique. Mais, avec l’augmentation de la consommation des usagers (particuliers et entreprises), elle semblait manquer d’énergie.
En novembre 2013, une nouvelle centrale thermique, d’une puissance de 220 MW, a donc été construite. Elle a progressivement pris le relais, à côté de la précédente installation arrêtée définitivement, en mai 2014.
Les martiniquais croyaient enfin souffler car ils avaient subi les sautes d’humeur, de plus en plus fréquentes, de l’ancienne centrale diesel de Bellefontaine (huit groupes diesel d'environ 20 MW chacun).
Laquelle fut donc progressivement remplacée par la nouvelle centrale de EDF-PEI Bellefontaine (EDF Production Électrique Insulaire, filiale d'EDF à 100%).
A l’époque, l’ambition affichée des dirigeants d’EDF étaient, disaient-ils : de « répondre aux besoins d’électricité des Martiniquais ». Idée noble !
Cependant, il y a manifestement une coupure très nette entre l’intention et l’action. Le fusible semble avoir fondu.
En effet, les responsables d’EDF, en ce temps-là, assuraient : « le groupe EDF, à travers sa filiale (EDF PEI) a investi dans la construction de la nouvelle centrale de Bellefontaine. Cet outil de production est au cœur de l’équilibre offre/demande du système électrique martiniquais en ajustant rapidement sa production en fonction des besoins ».
Ce discours avait tellement convaincu, que nombre de personnes semblaient même croire que le soleil se lèverait désormais en Martinique de la Côte Caraïbe, plus précisément à Bellefontaine, pour une énergie nouvelle. L’espoir était d’autant plus rayonnant que les patrons d’EDF affirmaient que la centrale « possède 2 atouts :
• Fournir en temps réel une énergie garantie (stable) pour répondre aux besoins quotidiens de l’île
• Permettre de couvrir les pics de consommation, en complément des autres moyens de production, grâce à des moteurs qui démarrent rapidement ».
Quel responsable de ce groupe pourrait, aujourd’hui, oser dire à la face de la Martinique que ces engagements sont tenus ?
Pourtant, la nouvelle centrale de Bellefontaine est équipée de 12 moteurs de nouvelle génération, d’une puissance de 17,6 MW chacun. Alors, si la technologie est à la mesure de notre époque, qu’on nous dise où se situe le problème.
Dans les années 1970, Joe DASSIN chantait : « Fais-moi de l’électricité ».
L’on aimerait tant que ce tube parvienne (enfin !) aux oreilles des responsables d’EDF.
Dans cette île, nous sommes les clients captifs de la distribution aléatoire de courant d’EDF. Point de pays frontaliers qui pourraient nous offrir une concurrence apte à rendre ce monopoliste plus performant, malgré des promesses qui n’engageaient que lui-même.
Dans l’Hexagone, les consommateurs peuvent prétendre à dédommagement au prorata des heures durant lesquelles ils ont été privés d’électricité.
Dans cette île que nenni ! Monopole oblige ! Si vous n’êtes pas satisfait, vous n’avez qu’à aller voir ailleurs ! Bien entendu, puisque l’Ailleurs (continental) n’existe pas. C’est précisément pourquoi EDF a imaginé sa filiale (à 100%) « Production Électrique Insulaire ».
Les Martiniquais, bien que clients captifs d’EDF/PEI ne sont pas pour autant des citoyens de seconde zone. Si « la République est une », tous ses ressortissants doivent jouir des mêmes prérogatives.
La Délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), du 21 janvier 2021, prévoit un mécanisme d'indemnisation forfaitaire en cas de coupure longue. Il concerne « toute interruption d’alimentation d’une durée supérieure à 5 heures due à une défaillance imputable au réseau public de distribution géré par le gestionnaire des réseaux de distribution, y compris lors d’événements exceptionnels ».
Chaque consommateur d’électricité doit donc désormais exiger que soit déduit de sa facture le temps des coupures de courant. Nous ne devons payer un abonnement qu’au prorata du service effectivement réalisé.
L’engagement d’EDF doit désormais se traduire en acte : « Fournir en temps réel une énergie garantie (stable) pour répondre aux besoins quotidiens de l’île et permettre de couvrir les pics de consommation ».
A défaut, les usagers sauront se constituer en groupes de pression, pour faire valoir leurs droits de consommateurs payants et exigeants et contraindre également la classe politique à sortir (comme pour l’eau) de son mutisme quant à ce dossier.